Une journée bien morne se profile, le soleil est caché derrière les nuages et je doute qu'il revienne avant demain. Remarque ça ne me dérange pas, je n'aurais pas à inventer une excuse pour ne pas sortir. Mon petit appartement vide me manquait, mais ça faisait plusieurs semaines que je n'avais pas vus mes parents depuis plusieurs semaines alors je me suis dit qu'une petite visite pour les tenir au courant de mon emménagement ne serait pas fortuite. J'ai passé la soirée d'hier ici et n'ayant pas envie de rentrer pour l'instant, je suis restée pour dormir. Je pense que mon père n'a pas encore décidé de quand il me donnera son rôle, mais il m'a demandé de m'inscrire à des cours d'arts martiaux alors je suppose qu'il se prépare au moins à me tester.

Je ne sais pas si j'ai hâte où non qu'il me donne toutes ces responsabilités, mais je me demande surtout ce que ça va changer dans ma vie. Je pense qu'en apparence je garderais la même pour l'utiliser en quelque sorte comme une couverture. Je crois que ce qui a toujours plu à mon père chez moi, c'est que je suis sans état d'âme ni scrupules. Il doit voir en moi les qualités qu'il faut pour le métier. Je suis aussi d'un égoïsme que je qualifierais de "justifié", autant je peux être curieuse, mais je me fiche pas mal de la vie des autres. Je n'ai jamais compris toutes ces personnes qui se lamente de la mort d'une personne qu'elles connaissaient à peine. Au moins j'ai le mérite d'être franche. Je suis sorti de mes réflexions par une personne qui toque à ma porte, je ne réponds pas et me lève encore moins.

Mais tout à coup j'entends "Funny Bitch", je sais très bien ce que ça veut dire et surtout qui est derrière la porte. Je sors du lit et me presse pour ouvrir la porte en souriant. C'est Jill évidemment, la seule et l'unique. Je l'invite à entrer et à s'asseoir, lui donnant une bouteille de Coca-cola au cas où elle aurait soif. Je m'installe à côté d'elle et je reste quelques minutes, sans dire un mot. Mon père m'a dit qu'il avait parlé de mon avenir à Ezechiel, donc je pense que tu es au courant. Je marque une pause Je pense que j'aurais besoin de tes conseils au moment venu, tu sais bien que j'ai confiance en toi comme en moi. Je lui souris et me lève pour regarder par la fenêtre. Toi tu es une vraie amie, ce qui est rare dans ce milieux.

Elle me rassure un peu, me dit que tout va bien se passer puis me propose - si on peut appeler ça proposer - d'aller se détendre. Je fronce immédiatement les sourcils, je n'ai jamais aimé les surprises. De plus j'avais dit que je ne voulais pas sortir aujourd'hui. Je jette un coup d'oeil par la fenêtre, les nuages commencent à disparaître. Donc je n'ai plus vraiment de raison concrète de refuser si je comprends bien. Elle insiste encore une fois et sort de ma chambre. Je soupire, prends mon sac puis la suit. Je descends les escaliers et voit à travers la baie vitrée qu'elle est déjà sortie de la maison. Je fais la bise à ma mère et hoche la tête en direction de mon père. La poignée de porte en mains, j'ouvre cette dernière qui n'aurait pas dû l'être de la journée.

Je m'approche doucement de Jill, tout en restant à l'ombre. Oui, plus que tout le reste, je n'aime pas rester au soleil. La chaleur y est beaucoup plus éprouvante et de plus je trouve ma peau beaucoup plus belle lorsqu'elle est pale. Je n'ose même pas m'imaginer bronzée. D'ailleurs, lorsque je suis à la plage, ce qui est rare puisque je préfère les rivières dans lesquelles il y a beaucoup moins de chance de se noyer, je me promène avec une ombrelle et une bonne couche de crème solaire sur tout le corps. Jill doit plus apprécier ça que moi, vu le contraste que nous donnons lorsque nous sommes à côté. Je vois qu'Ezechiel est aussi venu, je suppose qu'ils ont dû parler avec mon père. Je ne connais pas cet homme, je sais juste ce que Jill m'a dit.

Si je me souviens bien, elle l'avait rencontré quand elle était plus jeune dans la rue, il l'avait prise sous son aile et lui appris à devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Je ne sais jamais trop quoi penser de cet homme, à vrai dire c'est l'ami de mon père pas le mien. Je n'ai aucun avis sur lui, je n'ai parlé que quelque rares fois avec lui et seulement pour échanger des politesses, donc je ne sais jamais si je dois me méfier ou non. Je pense en prétendant ne pas me tromper qu'il ne me mettrait pas dans une situation embêtante puisque l'amitié qu'il y a entre lui et mon père est comme celle entre Jill et moi, une vraie amitié. Non pas de la poudre aux yeux pour le travail, une réelle complicité.

Elle me tend un casque totalement noir mise à part la visière qui elle, est transparente. Mon regard alterne entre Jill et cet objet. Je soupire encore, hausse un sourcil puis rassemble tous mes cheveux ensemble, les laisses retomber dans mon dos avant de poser doucement le casque sur ma tête. Pendant ce temps Jill avait déjà mis le sien et était déjà sur sa moto, prête à partir. Je monte à mon tour et après m'être bien installée, je sers la taille de la conductrice avec mes bras. Elle fait démarrer le moteur puis se retourne vers moi pour me dire de bien m'accrocher. Je ne réponds rien, me contente juste de rabaisser ma visière et de serrer un peu plus Jill. Elle démarre à pleine puissance, mon corps part un peu en arrière sous la pression, mais je réussis à revenir à ma place quelques secondes après.

On roule à pleine vitesse, tout en dépassant toutes les voitures sur notre chemin qui, dès que nous sommes passées, nous klaxonne avec rage. Jill a raison, c'est amusant. Surement plus avec elle qu'avec n'importe qui d'autre. Le paysage défile à une vitesse éclatante, je n'arrive même pas à distinguer les visages des passants sur notre chemin, ni même les panneaux ou encore les insignes. Tout va si vite, si je n'avais pas mis la visière, je n'arriverais surement plus à respirer tellement l'arrivée d'air serait rapide. Nous quittons le centre-ville pour rouler sur la grande route, beaucoup plus déserte. Ici, le paysage est beaucoup plus naturel. Jill augmente encore la vitesse, je lui fais confiance : elle serait tout à fait capable de faire un freinage d'urgence en toute situations. Nous arrivons enfin dans un coin désert de l'Iowa un quart d'heure plus tard, plus précisément un stand de tir. Un sourire de connivence s'affiche quelques secondes quand je vois ou l'on est. Comment-ai je pu ne pas deviner, c'est l'un des lieux préférés de Jill. Cette dernière me souris avant de m'expliquer que je dois savoir me servir d'arme à feu.

J'hoche la tête. Elle avance vers l'entrée tandis que je pose mon casque, puis se retourne pour me demander si je viens, cette jolie phrase agrémentée d'un bitch. Je souris et la rejoins. Devant les cibles, je laisse Jill tirer plusieurs balles, sans rien dire. Toutes en plein dans le mile. Quand c'est à mon tour je prends doucement l'arme dans une de mes mains, la tends vers la cible, ferme un oeil puis fait feu. La balle s'est logée en plein milieu de l'emplacement des parties génitales. Je fixe Jill en gardant mon sérieux quelques secondes, puis éclate de rire. Ne t'inquiète pas, j'ai déjà appris à tirer et à même à viser. Dis-je en souriant. J'aurais surtout besoin de toi pour les choix que je devrais faire. Je tire à nouveau deux fois pour former un triangle avec la première balle. On fait un concours de forme ? Dis-je en riant.