« Hum … » Je me réveille comme à mon habitude, dans ma cellule que j’ai finie par appeler ma chambre. Je ne suis toujours pas autorisée à quitter l’hôpital plus d’une journée. Jugée trop instable, je ne suis pas encore prête à vivre en société d’après le Docteur Gilbert. C’est un homme bon et doux avec moi et je dois bien admettre que je me suis attachée à ce vieil homme. Il m’écoute, il me comprend et fait toutes les démarches pour que je m’en sorte. C’est grâce à lui que  je ne suis plus dans une chambre capitonnée, dans le noir et immobilisée. Je ne sais pas ce que je serais devenue s’il n’était pas intervenu dans mon processus de guérison. Je lui suis tellement reconnaissante. D’après ces dires, je fais des progrès épatants pour un cas comme le mien et je suis fière de moi. Je décide d’aller trainer en ville. Je perçois chaque mois une sorte d’indemnité qui me permet de vivre tranquillement. Etant donné que je suis nourrie et logée je n’ai pas de frais particulier. J’enfile un top blanc ainsi qu’un short rouge. Je l’adore. Je tresse ensuite mes cheveux et me voici parée à affronter le monde extérieur. Une navette pourrait m’amener jusqu’au centre-ville mais je préfère marcher. Tout en marchant, les mains dans les poches, je me laisse vaquer à des souvenirs. Ils sont de plus en plus précis et je suis soulagée de le constater. Je repense à cet homme que j’avais croisé dans l’hôpital. D’après sa tenue, j’avais immédiatement constaté qu’il n’était pas un personnel de la structure mais bien un intervenant extérieur. C’était le jour de ma rencontre avec le Docteur Gilbert. J’avais été admise en cellule normale. Il m’avait vu, j’avais encore ma camisole à l’époque, mais bizarrement il m’avait souri. Surprise mais profondément heureuse, je lui avais rendu la pareille. Son visage est encore gravé dans ma mémoire. Depuis que je l’ai rencontré, Gemma n’est quasiment pas revenu, sauf quelques fois évidemment. Bref. Je marche tranquillement dans la ville que je commence à connaître. Je n’ose pas encore m’éloigner trop loin, le centre-ville est très fréquenté et il y a trop de personnes susceptibles d’être une de mes victimes. Aussi je préfère rester à l’écart. Je marche, appréciant le soleil sur ma peau laiteuse. Je regarde avec amusement la rougeur sur mon bras gauche. Tiens j’ai attrapé un coup de soleil pour la première fois depuis 5 ans. C’est excitant ! Ça gratte un peu … Dans mes rêveries, je ne regarde pas vers où je me dirige. Je me laisse aller telle une personne sans but, ce qui est un peu le cas finalement. J’entends du bruit sur ma droite et regarde, intéressée. Et c’est là que je le vois. Cet homme que j’avais croisé dans les couloirs de l’hôpital, il est là, sur le perron de l’entrée de la grande bâtisse. Il parle avec une personne, il acquiesce à tout ce qu’il lui dit. Etrange. De quoi sont-ils en train de parler ? Ma curiosité me pousse à aller le voir. Mais comment ? Je ne le connais pas, je ne sais rien de lui et pourtant il m’attire comme un aimant. Il a un truc qui me fait peur, et je crois que c’est ça qui m’attire. Je me sens moins seule, je ne suis pas la seule à effrayer les gens. Alors que je suis toujours debout face à la grande maison, je crois qu’il m’a vue.

© charney