C’était un énième samedi chaud que connaissait Cherokee ce mois-ci. Je m’étais levé assez tôt, comme toujours, pour pouvoir faire mon jogging en admirant le lever du soleil, avant de rentrer me doucher, puis prendre un petit-déjeuner tout aussi banal. J’allumais ensuite la radio pour écouter un peu de musique alors que je m’occupais des factures tranquillement, seul assis à la table de la cuisine. Bang Bang de Nancy Sinatra passait lorsque je terminais ma corvée. La chanson m’arracha un petit sourire, me ramenant à un souvenir que j’avais jusque-là… comme… enterré. Je sortais de ma transe passagère, et décidais qu’il serait bien que je sorte voir une amie pour me changer les idées, il n’y avait rien de pire pour moi que de commencer la journée par un déclic morose. Je mangeais encore un bout, et, passé 13h, alors que la température flattait presque les 30°, je me changeais rapidement pour aller voir Rebecca. Chemise à manche repliées et jeans straight pour un look passe partout.

Je sortais donc en passant par le centre-ville pour acheter des macarons, je ne savais pas si elle aimait ça particulièrement, mais après tout, qui n’aimait pas les macarons ? C’est donc assez vite que j’atterrissais au pied de sa porte, réalisant en même temps que je n’avais pas appelé pour vérifier qu’elle n’était pas occupé ou quelques du style. Et puis peu importe, maintenant que j’étais là, j’aurais qu’à crier « SURPRISE » au moment où elle ouvrira la porte, et ça passera ni vue ni connu ! J’appuyais donc sur la sonnette, mon sac de macarons à la main, patientant, en espérant qu’elle ne soit pas sortie faire une course…

J’attendais quelques minutes, supposant qu’elle pouvait être à la douche… puis la douche se fit peut-être un peu longue, je jetais un œil discret au garage, sa voiture s’y trouvait. Es-ce qu’elle se cachait de moi ? Je repensais à la dernière fois qu’on s’était vu…. Non, je n’avais rien fait de particulièrement flippant. Un avion passait au-dessus de sa maison alors que je me prenais à penser à des trucs totalement improbables, et je relativisais soudainement, elle était probablement juste partie courir pour s’aérer, vue le temps, ça n’aurait rien de surprenant. Je sortais mon portable et sélectionnais la jeune femme dans mon répertoire, lorsque j’entendis sa voix surgir de derrière moi. Je me retournais et la trouvais là, souriante, quelques sacs à la main. Elle revenait donc des courses, et me fit la bise en me demandant si je ne l’avais pas trop fait attendre. « Non pas du tout, j’allais justement t’appeler, mais ça va t’inquiètes… » lançai-je lorsqu’elle me passa devant pour ouvrir sa porte. Elle me fit entrer, et posa ses paquets dans sa cuisine. Je la suivais, et lui tendais mes macarons une fois qu’elle avait les mains libres. « Tiens, j’espère que t’aimes ça, c’est des macarons, y a un peu tous les parfums… » Le vendeur m’avait fait une sorte de sélection des parfums les plus demandés, ça allait du traditionnel chocolat, à la pistache, framboise, ou encore café. « Sinon, ça va toi ? » demandai-je pour lancer la conversation. J’aimais beaucoup l’intérieur de Rebecca, il était tout le temps impeccable, parfaitement propre, ordonné et bien rangé, la déco était harmonieuse, enfin bref, tout semblait à sa place, exactement le contraire de mon intérieur. Ma mère m’avait dit une fois que j’aurais dû demander l’aide d’une femme pour faire ma déco, acheter des meubles etc… je l’avais regardé d’un air un peu sinistre, et elle avait changé de sujet. La seule femme à qui je faisais assez confiance pour relooker ma salle à manger, mon salon, ma cuisine et toutes les autres pièces, cette femme-là n’était plus de ce monde, alors je me contentais d’admirer le goût et l’organisation de Rebecca, tout en ignorant la laideur de mon propre logis.

J’avais visé juste. Alors que Rebecca commençait à ranger soigneusement ses courses,  elle me confia qu’elle adorait les macarons en attrapant la boîte que je lui offrais, et me déposa un baiser de remerciement sur la joue. Je regardais un peu autour, admirant la superbe maison de la blonde avant de lui demander comment elle allait. Sans surprise, elle n’était pas au mieux de sa forme. Des cauchemars la hantaient depuis ses déboires avec une sorte de secte, la pauvre était malgré tout étonnamment forte à mes yeux. Sans parler de moi, je pense que la plupart des gens resteraient enfermés chez eux à tout jamais suite à ce genre de traumatisme, mais non, pas elle. Elle, elle avait gagné quelques réflexes, comme le verrouillage de portes, mais rien de véritablement alarmant ou bizarre. « Oui j’comprends, je… » je pensais lui demander si elle avait déjà pensé à consulter un psy, mais me rendait compte à quel point la chose pouvait paraitre vexante ou insultante, et abandonnais l’idée. Pourtant, j’étais sûr que ça aurait pu l’aider, après une épreuve pareille, il n’y avait aucune honte à demander de l’aide à un professionnel. Qu'importe, elle n'avait pas besoin de ce genre de réflexion... « Moi ça va... je suis en congé là depuis hier, je m’ennuie un peu mais bon. Je pensais faire un voyage, puis, j’me suis dit qu’au final, ici ou ailleurs, mes vacances allaient être longues… » Je marquais une pause en levant les yeux au ciel, puis reprit. « Oh ! Ma mère a encore parlé de moi à la fille d’une de ses amies, elle m’a même arrangé un rencard. » lançais-je en riant. La pauvre Annie s’ennuyait énormément aussi depuis que son époux avait été promu porte-parole des pompiers américains, elle s’était donc mise en tête de me remettre sur le marché. Moi, je n’étais pas des plus coopératifs, tiraillé entre cette sensation d’être encore marié, et cette peur de me ridiculiser, puisque concrètement, ça faisait presque 10 ans que je n’avais pas joué au premier rendez-vous…